CLOCHER ET BEFFROI
Depuis sa construction jusqu’au début du XVIème siècle, l’église de Villeneuve le Comte possédait un porche clocher situé au devant de l’entrée principale actuelle. Les arrachements de ce porche sont encore visibles actuellement.
C’est le marguillier (1) Pierre Anoyaulx qui fit abattre le vieux clocher vétuste vers 1515.
Son épitaphe nous apprend qu’en 1516 avec l’aide de gens à ce connaissants (architectes), il fit édifier sur la tour de l’église, le carré des cloches qui est de pierre de taille, avec le beffroi (2) de bois neuf où est assise et emmortaisée l’aiguille couverte d’Ardoises.
Le pieux marguillier ne se doutait pas que près de 500 ans plus tard, on reparlerait du rehaussement de cette tour devenu notre clocher. Mais pour être honnête, on peut exempter Pierre Anoyaulx des problèmes qui nous occupent aujourd’hui.
Les sondages effectués mi-janvier 2011 font apparaitre des désordres qui semblent plus résulter de la poussée des vents sur l’aiguille du clocher que des défauts de structure ou de fondation.
A qui la faute ? La faute en incombe aux habitants et à la population de Villeneuve le Comte.
En effet après la destruction du clocher dû à un violent orage, notre curé Denis Boutinot de Plainville raconte :
« Entre 1760 et 1770, il fallut rétablir le corps du clocher et faire une flèche nouvelle et ce fût pour moi un temps de tribulation, car quoique par un arrêt donné en Flandres au temps de la bataille de Fontenoy, on eut statué que désormais on ne ferait plus faire de flèche élevée, on en voulut une à toute fin à Villeneuve le Comte. Je demandais un architecte de l’intendance où l’affaire avait été porté, il donna un plan, pour rétablir la tour et faire dessus un toit carré de 25 pieds (3)(4) jouèrent un stratagème, ils employèrent une personne de poids pour m’engager à consentir qu’elle fut au moins de 36 pieds, on me dit que la paroisse serait contente et que par là on aurait la paix. Je signais cet accord et le gardais. Mais comme on me représenta : de haut, il était ordonné et comme accepté dans une assemblée suffisante. La ligue de ceux qui en voulaient une de 60 pieds
1°) que Monsieur l’intendant serait vexé si on faisait ce changement, et qu’il ferait tomber toute la dépense sur ceux qui l’auraient fait.
2°) Qu’on avait dessein de faire intervenir Messieurs de St Germain des Prés, nominateur (5) qui demanderaient une flèche de 60 pieds et qu’ainsi je resterais entre deux feux.
Pour éviter ce ci, j’envoyais le projet et le dessein à Monsieur le Subdélégué, pour juger si on la ferait de 36 (6) pieds ou de 24 suivant le devis de Monsieur l’intendant. Il était maitre de supprimer l’accord, et d’ordonner qu’on suive l’ordre de l’intendance, mais on surprit sa confiance, les sollicitations de quelques personnes de crédit, l’emportèrent. On fit une cabale et sans assemblée on fit signer chez eux aux habitants et au cabaret un acte par lequel on demandait de concert une flèche de 60 pieds. On me fit passer pour un homme turbulent, qui trainait tout en longueur par mille difficultées, on avait persuadé à plusieurs, que cet acte était de concert avec moi et ils signèrent.
Les parties adverses volèrent à Paris, firent entendre à l’intendance tout ce qu’ils voulurent, entre autre que la fabrique avait ad hoc de l’argent d’une coupe de bois à cette intention.
Monsieur l’intendant voyant d’ailleurs qu’on ne demandait point d’imposition à faire et qu’il y avait des deniers, ordonna qu’on ferait une flèche de 60 pieds sur un autre devis de l’architecte. Tout de suite on m’avertit que l’on va faire l’adjudication à Meaux, ne pouvant y aller, je testais un procureur pour défendre mes intérêts mais de peur de déplaire à ma principale partie, il me défendit mal. Cependant un incident survenu obligea de différer pour faire expliquer l’architecte sur une difficulté. Un autre dimanche, sans m’avoir communiqué sa décision, on feignit qu’on venait d’apporter un ordre au milieu de la messe, on l’avait avant probablement mais on l’avait caché, on le lit à l’issue de la messe, et on l’affiche, or l’adjudication devait se faire à une heure le même jour, en ce cas le curé est surpris, comment voler en deux heures à Meaux. Cependant les ligués ventre à terre volent à Meaux, l’adjudication se fait au Sieur Canda pour 4000 livres. On ajoute l’insulte car les ligueurs revinrent chantant victoire et chacun une cocarde à leurs chapeaux c’est ainsi que finit cette scène tragique. Par elle cependant un clocher avec une couverture de 25 pieds aurait couté 12 à 1500livres et il en coute 4000 livres.
Après les mesures prises pour qu’on ne surchargea pas les habitants par une imposition qu’on aurait obtenu d’autre part, parce que dans ce cas les biens de la fabrique sont pour l’entretien et la décoration des églises et non pour des reconstructions considérables à neuf, mais enfin, il me fallu, contre mes bonnes intentions, contre le bon sens être abreuvé de ce fiel amer.
Car une flèche si haute entraînera souvent après elle de grosses réparations entièrement à charge à la fabrique et à la paroisse. Ce que le sieur curé voulait épargner aux uns et aux autres. »
Les dires de notre curé étaient prémonitoires, déjà lors de la restauration de 1868 à 1870, Monsieur Mimey, architecte des monuments historiques, sonda, étudia et restaura les piliers et les voutes du clocher. Aujourd’hui c’est à Monsieur Jacques Moulin, architecte en chef de bâtiments historiques et à toute son équipe à qui il incombe pour la collectivité la charge de consolider et de réparer ce même clocher pour la conservation de notre belle église.
Alain Pelgas, Président de la SVH.
(1) Le marguillier est le responsable de la fabrique. La fabrique étant une association dont les revenus étaient destinés à l’entretien et à la décoration de l’église.
(2) Le beffroi est à l’origine le nom donnée à une structure en bois ou sont fixés les cloches, le beffroi est ainsi désolidarisé de la structure maçonnée. Par analogie on donna le nom de beffroi à la tour ou étaient les cloches.
(3) Environ 8m
(4) Environ 18m
(5) Ceux qui nommaient le curé de Villeneuve.
(6) Environ 11m
