Extrait de "La fondation de Villeneuve le comte et la création de son terroir"

Article de Dominique LEGE, maîtrise d'Histoire 1993/1994

Moi, Gaucher de Châtillon, et Elizabeth, ma femme, aux sujets de cette commune et à tous, tant présents qu'à venir, pour toujours, puisque les institutions qui doivent recevoir la force de la stabilité perpétuelle, méritent d'être fixées par une lettre, pour ne pas risquer d'être ruinées ou altérées par ces présentes. Nous décidons de consigner par écrit que nous constituons sur notre terre une ville neuve qui est déclarée commune. Nous y établissons les coutumes et les libertés qui s'en suivent :

1 - Nous décidons, en effet, chers et fidèles sujets, et nous vous concédons à toujours que le bourgeois qui dans les limites de la ville aura une maison et hors de son territoire un jardin nous paiera chaque année douze deniers, à savoir à la Nativité du Seigneur six deniers,  et six à l'anniversaire de la naissance de saint Jean Baptiste; et celui qui le troisième jour après le dit terme n'aurait pas payé s'acquittera d'une amende de deux sous.

2 - De plus, il vous sera permis à tous et à n'importe quel autre ici d'acheter et de vendre ce que l'on voudra, librement et paisiblement, sans payer ni conduit ni tonlieu.

3 - De chaque fauche des prés, ils devront deux deniers à la fête de saint Rémy.

4 - Sur la terre défrichée aux dépens de la forêt, de quatorze gerbes, nous en recevrons deux seulement.

5 - Nous y ferons aussi des fours qui seront notre, où vous apporterez votre pain pour le faire cuire selon le ban; de vingt quatre pains vous en donnerez un.

6 - Nous y ferons également des moulins et vous y viendrez moudre selon le ban, et de vingt setiers de grains vous en donnerez un, sans donner de farine.

7 - Si quelqu'un est accusé de s'être mal acquitté des dîmes et des terrages ou d'avoir enfreint le ban des moulins et des fours, il se justifiera par serment.

8 - En outre, nous vous concédons le libre usage de l'eau et du bois mort selon le partage qui en sera fait entre vous et vos voisins religieux et laïcs.

9 - Dans la dite ville, du consentement de vous tous, seront établis des jurés et un maire qui semblablement nous jugera fidélité et répondra devant nos officiers des rentes et revenus de la ville ; mais ni le maire ni les jurés ne demeureront en leurs charges au-delà d'une année, sauf la volonté de tous.

10 - En outre, si un quelconque bourgeois contraint par la nécessité doit vendre son héritage, le vendeur donnera au maire et aux jurés un denier et l'acheteur un autre denier ; le maire aura l'un et les jurés l'autre.

11 - Si un quelconque bourgeois vient ici pour habiter, il donnera un denier au maire et un aux jurés. Ainsi il recevra, du maire, en toute liberté, selon l'attribution qui lui sera faite, une masure et une terre.

12 - Nous fixons aussi et nous décidons à l'avenir la règle suivante : quiconque fera l'objet d'une plainte, s'il a été convaincu par deux témoins légitimes, paiera trois sous : savoir deux sous pour nous et douze deniers pour le maire.

13 - Si quelqu'un traite un autre de menteur et que la plainte soit portée devant le maire et les jurés, si preuve est donnée par le témoignage de deux bourgeois, il paiera cinq sous : quatre sous aux seigneurs et six deniers, six deniers pour le maire ; et s'il n'y a pas de témoins, l'autre se purgera par serment.

14 - Si quelqu'un dit à l'autre "hors la loi" ou quelque chose d'équivalent à cette injure, il paiera dix sous, deux sous à l'injurié, six aux seigneurs, douze au maire et douze aux jurés. Et si il n'y a pas de témoin, l'accusé se purgera de son serment.

15 - Si quelqu'un a porté, avec violence, les mains sans armes, sur un autre, il versera quarante-cinq sous : aux seigneurs trente-huit, au maire et aux jurés douze deniers, et à celui qui a été frappé cinq sous, et si la victime n'a pas de témoin, elle se purgera par le serment de deux hommes et le sien.

16 - Si quelqu'un pénètre par violence dans la maison d'un autre, sans porter de coup, et qu'il en soit convaincu par témoins légitimes, il paiera soixante sous, cinquante-huit sous aux seigneurs, à la victime dix-huit sous, au maire douze deniers, aux jurés douze deniers. Et s'il ne peut-être convaincu par témoins il se purgera par le témoignage de deux hommes, et le sien.

17 - S'il lui fait blessure, il paiera cent sous : aux seigneurs quatre livres et deux sous, au maire et aux jurés douze deniers, à la victime vingt sous et les dépenses pour soigner la blessure. S'il ne peut être convaincu par témoins il se purgera par le témoignage de sept bourgeois.

18 - S'il lui tranche un membre ou l'occis, s'il est convaincu par de loyaux témoignages, il et ses biens sont à dispositions des seigneurs.

19 - Si quelqu'un en se défendant frappe un autre ou fait couler du sang, il se purgera par le témoignage de deux hommes et le sien, si l'autre le veut il pourra contre aller par bataille.

20 - Et s'il a tranché un membre ou occis quelqu'un en se défendant, il se purgera en justice. Celui qui l'aura accusé paiera les dépenses en justice, sera à la volonté du seigneur.

21 - Si quelqu'un pénètre avec violence dans la maison d'un autre, et qu'il est convaincu par témoins légitimes, il paiera cent sous, quatre livres aux seigneurs, à la victime dix-huit sous, au maire et aux jurés douze deniers.

22 - De tous les crimes dont le coupable doit être disculpé, il se purgera par le témoignage des bourgeois.

23 - Pour fausses clameurs, le coupable paiera trois sous : aux seigneurs deux sous, aux maires six deniers, à l'innocent six deniers.

24 - Celui qui se plaindra à tort de son héritage paiera vingt sous : dix huit aux seigneurs, au maire douze deniers, aux jurés douze deniers.

25 - Si quelqu'un, sur le territoire de la commune, réclame l'héritage d'un autre et qu'il n'ait pas pu en faire la preuve par le témoignage du maire et des jurés, il paiera vingt sous selon l'usage susdit mais si le défenseur perd le procès, il paiera vingt sous de la même manière.

26 - Si quelqu'un a tenu son héritage dans la ville, pendant un an et un jour, sans opposition, à la vue de tous, il le possèdera à l'avenir librement et paisiblement.

27 - Il ne sera permis à aucun bourgeois de la commune de porter une plainte contre un autre bourgeois devant une autre justice, aussi longtemps que le défenseur voudra s'en tenir à la justice de la ville. S'il commet le préjudice si dessus, il paiera cinq sous aux seigneurs trois sous, douze deniers au maire et douze aux jurés.

28 - Le bourgeois qui sortira de la jurée, une fois terminé son mandat, ne pourra porter témoignage de juré sur tout ce qu'il a vu et entendu, que pendant un an et un jour.

29 - Si quelqu'un est accusé d'incendie de maison, de larcin, ou d'homicide, ou de rapine, l'accusé se purgera par l'ordalie, et s'il n'a donné aucune garantie, il paiera vingt sous. Si l'accusé est sauvé par l'ordalie celui qui l'a accusé paiera les dépenses de justice et neuf livres.

30 - Tout ce qui aura été fait devant des jurés, sans contradiction, restera stable.

31 - Chacun prouvera sa vente par sa seule main jusqu'à trois sous.

32 - Celui qui aura cru les choses d'autrui le prouvera jusqu'à dix sous par deux témoins convenables de cette même ville.

33 - Aucun ne pourra réclamer à autrui à propos de choses crues plus de dix sous par le témoignage du bourgeois, l'autre pourra contredire par duel.

34 - Si quelqu'un apporte dans la commune la chose d'autrui, celui qui réclamera, obtiendra ce qu'il pourra prouver par deux loyaux témoins. L'autre ne pourra pas contester par bataille. Et s'il ne peut restaurer les choses emportées, il donnera au réclamant ce qu'il aura, et il ne demeurera pas dans la commune. Cependant il prendra sauf-conduit de la ville.

35 - Si quelqu'un a contesté un jugement des jurés et les a convaincus de faux jugement par le témoignage des jurés de Beaumont, les jurés paieront cent sous ; mais s'il n'a pas pu les convaincre, il paiera cent sous et la dépense des jurés : aux seigneurs soixante sous, cinq au maire, aux jurés trente-cinq sous.

36 - Le jugement des jurés sera confirmé et restera définitif : excepté si quelqu'un demande sur le champ appel ou conseil.

37 - Si quelqu'un a en gage l'héritage d'autrui, il le gardera un an et un jour. Après un an et un jour, il le montrera aux jurés et au maire qui ordonneront ce qu'il fera de l'héritage.

38 - Si quelqu'un fait injure à un étranger, et si c'est prouvé, il s'acquittera au regard du maire, et si ce n'est pas prouvé il se purgera par serment.

39 - Si un bourgeois de la commune trouble le marché de la ville, il versera cent sous : au maire douze denier, aux jurés douze deniers, à la victime, si victime il y a , vingt sous, aux seigneurs le reste.

40 - Si un étranger trouble le marché, il versera soixante sous : au maire douze deniers, aux jurés douze deniers, à la victime dix-huit sous, aux seigneurs le reste.

41 - Si un bourgeois de la ville frappe un étranger, il paiera quarante sous ; si un étranger frappe un bourgeois, il paiera tout autant, au maire douze deniers, aux jurés douze deniers, aux battus dix sous, aux seigneurs le reste.

42 - Si quelqu'un est trouvé par un gardien en train de vendanger la vigne ou de moissonner la récolte d'un autre, il paiera cinq sous : quatre sous aux seigneurs, six deniers au maire, six deniers au gardien. Et si quelqu'un d'autre que le gardien le trouve, il se purgera par son serment, et s'il ne veut jurer il paiera cinq sous et réparera le dommage à l'estimation des jurés.

43 - Si quelqu'un est trouvé dans le jardin ou le verger d'un autre en train de lui causer dommage, il paiera deux sous et six deniers : deux sols aux seigneurs, six deniers au maire, et réparera le dommage à l'estimation des voisins.

44 - Et si c'est un étranger qui est trouvé maraudant dans la vigne, le jardin, le verger ou les champs, il devra deux deniers au gardien et jurera qu'il ignore les coutumes de la ville ; s'il ne veut pas jurer, il paiera cinq sous. Quatre sous aux seigneurs, aux maires six deniers, au garde six deniers.

45 - Les enfants en dessous de quatorze ans, trouvés de même, paieront douze deniers à la discrétion des jurés.

46 - Si quelqu'un porte la main, sans coup d'armes, sur les jurés, il paiera cent sous : aux seigneurs quatre livres deux sols, à la victime vingt sous, au maire et aux jurés douze deniers. Si il est blessé, lui et ses biens seront à la disposition des seigneurs. De même si un juré blesse un bourgeois, il sera puni de la même manière.

47 - La femme qui dira du mal d'une autre femme, si elle en est convaincue par deux témoins hommes ou femmes, paiera cinq sous, aux seigneurs quatre sous, au maire à sa victime six deniers, et si elle ne veut pas payer, elle portera des pierres en procession, un dimanche, en chemise. De même, si elle insulte un homme, et qu'elle est convaincue par témoin, elle paiera cinq sous. Si un homme insulte une femme, il paiera de même cinq sous.

48 - Si un étranger se réfugie dans les limites de la ville, pour un délit quelconque, vol et meurtre exceptés, il sera recueilli en sécurité ; et il y restera jusqu'à ce qu'il se soit établi en lieu sûr, et il lui sera permis de se justifier du vol ou du meurtre, s'il le veut.

49 - Si quelqu'un est accusé par suspicion de vol, et s'il ne se disculpe pas par le témoignage de deux loyaux hommes, il se purgera par la justice de l'eau.

50 - Si quelqu'un ne peut payer l'amende des forfaits sis-dessus, on lui enlèvera son bien, il sera banni de la ville un an et un jour. S'il veut revenir après un an et un jour, il amendera le forfait au regard  des jurés.

51 - Si des bestiaux sont trouvés errant dans les vignes, ils (propriétaires) devront douze deniers : aux seigneurs dix deniers sur douze, à la garde deux deniers. De même le menu bétail dans les champs coûtera six deniers : au seigneur cinq deniers sur six, à la garde un denier, le dommage reste à l'estimation des jurés.

52 - Nul ne pourra accepter un gage d'un autre sans le consentement du maire et des jurés et s'ils y consentent, il donnera dix sous : aux seigneurs huit sous, au maire douze deniers et aux jurés douze deniers.

53 - Il sera permis au tavernier de recevoir un gage pour sa vente dans sa maison seulement, mais non hors de celle-ci.

54 - De plus, nos hommes, les hommes des chevaliers, les hommes de nos hommes ne pourront venir d'aucune manière dans la ville qui est commune.

55 - Si quelque statut est établi pour l'honneur et l'utilité de la ville par le bon avis du maire, des jurés et de dix bourgeois discrets, ce statut restera valable. Et si quelqu'un s'y oppose, il paiera douze deniers, six deniers aux seigneurs, six deniers pour la défense de la ville, et ce qu'ils auront ordonné demeurera ferme et stable.

56 - Les bourgeois nous devront le service militaire, de telle façon qu'ils puissent revenir à la commune le jour même ou le lendemain.

57 - Et nous donnerons le droit de procuration aux maires et jurés pour tenir un plaid général chaque année, pour chaque quartier trois sous. Et le maire et les jurés, tant qu'ils seront en leur office, seront francs et quittent de rentes d'une maison et d'un jardin.

Voulant que toutes ces choses restent ratifiées et inaltérables nous les avons confirmées par l'autorité du présent écrit et l'apposition de nos sceaux. Nous sommes engagés par serment à tenir et observer toutes les choses dites. Moi, Gaucher de Châtillon, Elizabeth ma femme, Raoul de Bussy, Beaudoin chevalier de Rémy, Thibaud chevalier de Noisy, Pierre prévôt de Montjay, et Jean prévôt de Crécy, nous avons décidé et afin que l'autorité en soit respectée, nous défendons que quelqu'un donne une interprétation contraire à notre confirmation. Le droit ecclésiastique étant sauf en tout, ainsi que l'autorité du siège apostolique.

Fait en l'an de l'incarnation du verbe, mil deux cent trois.